mardi 16 mars
Le Parti Socialiste sort donc gagnant du
premier tour des élections régionales. Sa stratégie a été de tout miser
sur la déconsidération de Sarkozy et du gouvernement, sans s’engager
sur quoi que ce soit de concret concernant les problèmes essentiels du
monde du travail : les licenciements et la dégradation du pouvoir
d’achat. Cette stratégie a été payante. La politique du gouvernement
grossièrement en faveur des plus riches, ses attaques contre les
services publics, des hôpitaux à l’Éducation nationale en passant par
la Poste, ont remobilisé l’électorat des grands partis de gauche sans
que cette mobilisation soit compensée par celle de l’électoral de
droite, déçu par Sarkozy et dont une partie se tourne de nouveau vers
le Front National.
L’abstention a été cependant particulièrement forte, et pas
seulement à droite. Une partie importante de l’électorat populaire,
dégoûtée par le jeu politique, a préféré marquer son opposition à
Sarkozy et à sa politique en s’abstenant, plutôt que de cautionner le
Parti Socialiste.
Malgré les discours des ministres racontant à la télévision que, vu
le nombre des abstentions, ces élections ne comptent pas pour tirer une
conclusion nationale, il s’agit bel et bien d’un désaveu de Sarkozy et
de sa politique.
Ce succès du Parti Socialiste et la possibilité qu’il conquière la
direction de la quasi-totalité des régions ne constituent cependant en
rien un renforcement de la position des classes populaires. La promesse
du Parti Socialiste de faire des conseils régionaux un contre-pouvoir
face au gouvernement de droite est ridicule. Non seulement le pouvoir
des conseils régionaux est dérisoire par rapport à celui du pouvoir
central, mais, surtout, les uns comme l’autre se placent sur le terrain
de la classe capitaliste et en défendent les intérêts. Pas une
fermeture d’entreprise n’a été empêchée ni par un conseil régional, ni
par le gouvernement. Les uns comme l’autre sont, en revanche, des
pourvoyeurs de subventions pour les entreprises de leurs sphères
d’autorité respectives.
Lutte Ouvrière n’a participé à aucune tractation, à aucun
marchandage, avant le premier tour et n’y participera pas après. Elle
ne donne aucune consigne de vote. Nos électeurs n’ont pu exprimer leur
véritable choix que lors du premier tour où nous étions présents. Au
deuxième tour, ils sont libres de faire ce qu’ils veulent. Les uns, en
ne prenant pas part à cette deuxième élection qu’est le deuxième tour
et où leur opinion n’est plus représentée. Les autres, en accordant
leur vote à une liste de gauche. Mais nous avons confiance dans le fait
que les uns comme les autres se retrouveront dans les luttes futures.
Ce sont elles qui comptent, pas le nombre de bulletins dans les urnes.
Car les élections régionales finies, la crise continue et
s’aggrave. Et, avec elle, s’aggravent les attaques du patronat et du
gouvernement pour récupérer, sur le dos des classes populaires, de quoi
préserver les revenus et la fortune de la grande bourgeoisie. Si les
travailleurs refusent d’être poussés vers la pauvreté, ils seront
amenés à réagir.
Les objectifs que Lutte Ouvrière a cherché à populariser pendant
cette campagne électorale restent entièrement d’actualité. Contre le
chômage, il faut imposer l’interdiction des licenciements et la
répartition du travail entre tous sans diminution des salaires. Contre
la spéculation et la répétition des crises financières, il faut
exproprier les banques. Contre la recherche irresponsable du profit par
la classe capitaliste, il faut lui enlever le monopole du pouvoir sur
les entreprises en les soumettant au contrôle de leurs travailleurs et
de la population, en commençant par la suppression du secret
industriel, du secret bancaire, du secret des affaires !
Lutte Ouvrière remercie celles et ceux qui ont voté pour ses
listes. C’est une petite minorité, mais une minorité qui a montré, par
ses bulletins de vote, qu’elle ne fait pas confiance au jeu politique
institutionnel, qu’elle n’attend rien de l’alternance, à la tête de
l’État comme des régions, de deux coteries politiques qui, une fois aux
affaires, mènent toutes les deux la même politique en faveur de la
grande bourgeoisie. Une minorité qui est consciente que le rapport de
forces qui compte pour l’avenir n’est pas celui entre majorité et
opposition au conseil régional ou au parlement, mais celui entre le
grand patronat et la classe des exploités, et que seule la lutte
collective des exploités peut inverser ce rapport des forces. Par cette
conscience, cette minorité est susceptible de jouer un rôle important
dans les grèves, les manifestations, les luttes à venir.
Arlette Laguiller